Moody's maintient la note de la France mais avec perspective négative : la dette publique sous haute surveillance

La France vient d'éviter de justesse une nouvelle dégradation de sa note souveraine. Vendredi 25 octobre 2025, l'agence de notation américaine Moody's a annoncé le maintien de la note française à Aa3, soit le quatrième meilleur niveau sur son échelle d'évaluation. Mais ce répit pourrait être de courte durée : Moody's a simultanément placé cette note sous perspective négative, un signal d'alerte qui indique qu'une dégradation est probable dans les prochains mois si la situation ne s'améliore pas. Cette décision intervient dans un contexte particulièrement tendu pour les finances publiques françaises, marqué par une instabilité politique persistante depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024.
Contrairement à ses concurrentes Fitch et S&P Global, qui ont successivement abaissé la note française à A+ les 12 septembre et 17 octobre derniers, Moody's a donc choisi une approche plus prudente. Pourtant, le message reste le même : la France doit impérativement retrouver le chemin de l'orthodoxie budgétaire et mettre fin aux blocages politiques qui paralysent le pays. Comme l'a souligné François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, toutes les agences de notation s'alarment désormais de l'instabilité politique et du sérieux problème budgétaire français.
Une décision motivée par l'instabilité politique chronique
Le spectre de la fragmentation parlementaire
La principale préoccupation de Moody's ne porte pas sur la santé économique de la France en tant que telle. L'agence reconnaît d'ailleurs que le pays dispose de forces économiques significatives, d'une économie riche et diversifiée, d'un secteur bancaire robuste et de finances des ménages et des entreprises solides. Les institutions publiques françaises sont également qualifiées de hautement compétentes.
Le véritable problème réside dans la fragmentation du paysage politique qui menace le bon fonctionnement des institutions législatives. L'absence de majorité claire à l'Assemblée nationale complique considérablement l'adoption du budget et de toute réforme structurelle d'envergure. Cette paralysie institutionnelle risque de limiter durablement la capacité du gouvernement à relever les défis majeurs auxquels le pays est confronté : un déficit budgétaire élevé, une dette publique en constante augmentation et des coûts d'emprunt qui ne cessent de grimper.
Le retour en arrière sur la réforme des retraites, un signal préoccupant
Moody's pointe explicitement du doigt l'abandon de réformes structurelles essentielles, notamment la suspension de la réforme des retraites de 2023. Cette mesure, arrachée par le Parti socialiste au prix de longues négociations, constitue selon l'agence un recul significatif dans l'assainissement des finances publiques. En avril dernier, Moody's avait d'ailleurs clairement indiqué qu'un retour en arrière sur cette réforme constituait un critère de dégradation de la note.
Le coût budgétaire de cette suspension, même s'il reste modéré à court terme, pourrait s'avérer considérable à moyen et long terme. Si la suspension se prolonge au-delà de quelques années, elle risque d'exacerber les défis budgétaires du gouvernement et d'affecter négativement le potentiel de croissance en réduisant l'offre de travail disponible sur le marché.
Des finances publiques dans une spirale préoccupante
Le déficit public français, le plus élevé de la zone euro
La France affiche actuellement le déficit public le plus important de toute la zone euro. Le gouvernement prévoit un déficit de 5,4% du PIB pour l'année 2025, soit environ 160 milliards d'euros, avant une réduction attendue à 4,7% en 2026, équivalant à environ 144 milliards d'euros. L'objectif affiché par le ministre de l'Économie et des Finances Roland Lescure est de ramener ce déficit sous la barre symbolique des 3% du PIB d'ici 2029, conformément aux règles européennes. Pourtant, rares sont les observateurs qui croient réellement en l'atteinte de ces objectifs dans le contexte politique actuel.
La dette publique française a atteint des niveaux vertigineux. Elle devrait représenter 115,9% du PIB fin 2025, en hausse de 2,7 points sur un an. En valeur absolue, elle approche désormais les 3 500 milliards d'euros, ce qui en fait la dette publique la plus importante de la zone euro en masse, et la troisième en pourcentage du PIB, derrière la Grèce et l'Italie. Bercy espère que cette progression ralentira pour atteindre un pic à 118,7% fin 2027, avant d'amorcer une lente décrue.
L'explosion de la charge d'intérêts de la dette
L'un des aspects les plus inquiétants de la situation réside dans l'augmentation rapide de la charge d'intérêts que la France doit supporter. En seulement un an, cette charge est passée de 60 à 65 milliards d'euros. Les prévisions pour 2026 tablent sur 74 milliards d'euros, et les projections pour 2028 évoquent un chiffre proche de 100 milliards d'euros annuels.
Cette explosion s'explique par deux facteurs conjugués : d'une part, l'augmentation du stock de dette à refinancer, et d'autre part, la hausse des taux d'intérêt appliqués par les marchés financiers. Les investisseurs exigent désormais une prime de risque plus élevée pour prêter à la France, reflétant leurs inquiétudes croissantes sur la capacité du pays à assainir ses finances publiques.
La réaction contrastée des marchés financiers
Des investisseurs déjà positionnés pour une dégradation
La décision de Moody's n'a pas provoqué de séisme sur les marchés financiers, contrairement à ce qu'on aurait pu craindre. La raison en est simple : les investisseurs ont intégré depuis longtemps la détérioration des finances publiques françaises. Selon Paul Chollet, chef économiste de la salle des marchés du Crédit Mutuel Arkéa, les marchés traitent actuellement la dette française au niveau d'une note A ou A-, soit deux à trois crans en dessous du Aa3 maintenu par Moody's.
Cette anticipation des marchés signifie que la France paie déjà un surcoût significatif sur ses emprunts, comme si elle avait été dégradée. L'écart de taux entre les obligations françaises et allemandes s'est considérablement creusé ces derniers mois, reflétant cette défiance croissante des investisseurs internationaux.
Un optimisme prudent chez certains analystes
Tous les observateurs ne versent cependant pas dans le catastrophisme. Samy Chaar, chef économiste de Lombard Odier, adopte une vision plus optimiste de la situation. Selon lui, l'économie française résiste pour l'heure à l'instabilité politique : l'activité des entreprises et le marché de l'emploi maintiennent leur dynamique, et aucun signe de crise économique majeure n'est détectable. La croissance reste certes modeste, avec 0,7% attendu pour 2025 et 1% pour 2026, mais elle reste positive.
Pour cet analyste, la soutenabilité de la dette française ne semble pas en danger immédiat, et le pays ne risque pas de faire défaut. Un pays ne fait généralement pas défaut lorsque son compte courant est proche de zéro pourcent du PIB, ce qui est le cas de la France. De plus, les soubresauts politiques et fiscaux du pays ne constituent pas un élément nouveau pour les marchés internationaux, qui ont appris à vivre avec cette volatilité française. Dès lors, l'instabilité politique ne devrait pas se transformer en crise financière majeure.
Les conséquences concrètes pour les ménages et les entreprises
Un impact sur le coût du crédit
La dégradation progressive de la note souveraine française et l'augmentation des coûts d'emprunt de l'État ont des répercussions directes sur l'ensemble de l'économie. Les banques, qui se refinancent en partie sur les marchés obligataires, voient leurs propres coûts de financement augmenter. Cette hausse est mécaniquement répercutée sur les taux d'intérêt proposés aux particuliers pour leurs prêts immobiliers et aux entreprises pour leurs financements.
Les ménages français qui souhaitent acquérir un bien immobilier ou réaliser des travaux doivent ainsi composer avec des conditions de crédit moins favorables que par le passé. Les entreprises, de leur côté, voient le coût de leurs investissements augmenter, ce qui peut freiner leurs projets de développement et de modernisation. Cette situation pèse sur la consommation des ménages et sur les investissements productifs, deux moteurs essentiels de la croissance économique.
Une perte de confiance qui affecte l'économie réelle
Au-delà des aspects strictement financiers, la dégradation continue de la perception de la France par les agences de notation et les marchés financiers contribue à éroder la confiance des acteurs économiques. Les investisseurs étrangers peuvent hésiter à s'implanter en France ou à y développer leurs activités, craignant une instabilité durable. Les entreprises françaises peuvent retarder leurs décisions d'investissement dans l'attente d'une clarification de la situation politique et budgétaire.
Cette perte de confiance se manifeste également dans les enquêtes de conjoncture, où les indicateurs de moral des chefs d'entreprise et des ménages tendent à se détériorer. Le climat d'incertitude qui règne depuis la dissolution de l'Assemblée nationale pèse sur l'activité économique et contribue à maintenir la croissance à un niveau inférieur à son potentiel.
Le défi du vote du budget 2026
Une discussion parlementaire sous haute tension
La discussion du Projet de loi de finances pour 2026 s'est ouverte vendredi 25 octobre à l'Assemblée nationale dans un climat particulièrement tendu. Le gouvernement doit faire face à des exigences contradictoires de la part des différents groupes parlementaires, sans disposer d'une majorité stable pour faire passer son texte. Le Parti socialiste, fort de sa victoire sur la suspension de la réforme des retraites, brandit à nouveau la menace de la censure s'il n'obtient pas satisfaction sur la question d'une taxation accrue des plus riches.
Cette situation place le gouvernement dans une position délicate : céder aux demandes du PS risquerait d'affaiblir encore davantage la crédibilité budgétaire de la France aux yeux des agences de notation et des marchés, mais refuser pourrait conduire à une censure et à une crise politique majeure. Le ministre Roland Lescure a pris acte de la décision de Moody's en soulignant qu'elle témoigne de l'absolue nécessité de construire un chemin collectif vers un compromis budgétaire.
L'urgence d'un accord politique
Le gouvernement se dit déterminé à tenir l'objectif de déficit de 5,4% du PIB annoncé pour 2025 et à poursuivre une trajectoire ambitieuse de réduction du déficit public pour revenir sous les 3% du PIB en 2029, tout en préservant la croissance. Mais ces déclarations d'intention se heurtent à la réalité politique : sans accord entre les différentes forces politiques représentées à l'Assemblée nationale, aucun budget ambitieux ne pourra être voté et appliqué.
Le temps presse. Si un budget venait à être voté d'ici le 31 décembre, cela pourrait rassurer Moody's et retarder une éventuelle dégradation. Mais si les blocages persistent, la France risque de perdre son dernier double A et de voir sa crédibilité internationale encore plus écornée. Selon Roland Lescure, ce n'est qu'en atteignant le seuil des 3% de déficit que le pays stabilisera sa dette, un objectif qui paraît aujourd'hui bien lointain.
Perspectives et scénarios pour les prochains mois
Le risque d'un effet domino des dégradations
La France se trouve désormais dans une situation où une nouvelle dégradation par Moody's pourrait déclencher un effet domino. Les trois principales agences de notation auraient alors toutes abaissé la note française, envoyant un signal très négatif aux investisseurs internationaux. Cela pourrait provoquer une nouvelle hausse des taux d'intérêt sur la dette française et accélérer encore la détérioration des finances publiques.
Le maintien du Aa3 par Moody's offre un répit temporaire, mais la perspective négative signifie que l'agence réévaluera la situation dans les prochains mois. Si les débats budgétaires continuent de patiner et si aucune réforme structurelle n'est adoptée, la dégradation deviendra inévitable. À l'inverse, un accord politique solide et l'adoption d'un budget crédible pourraient permettre de stabiliser la situation.
Les conditions d'un redressement
Pour éviter de nouvelles dégradations et retrouver la confiance des marchés, la France doit remplir plusieurs conditions. D'abord, adopter un budget réaliste et ambitieux qui trace une trajectoire claire de réduction du déficit. Ensuite, mettre en œuvre des réformes structurelles qui améliorent la compétitivité de l'économie et réduisent les dépenses publiques à long terme. Enfin, retrouver une stabilité politique qui permette aux institutions de fonctionner normalement.
Ces objectifs nécessitent un compromis entre les différentes forces politiques, ce qui suppose de la part de chacun une capacité à dépasser les clivages partisans pour privilégier l'intérêt national. La tâche est immense, mais elle est indispensable si la France veut éviter de s'enfoncer dans une crise de confiance durable qui pourrait avoir des conséquences économiques et sociales graves.
Conclusion : un sursis qui ne doit pas faire illusion
La décision de Moody's de maintenir la note française à Aa3 ne doit pas masquer la gravité de la situation. La perspective négative qui accompagne ce maintien constitue un ultime avertissement avant une dégradation qui paraît désormais inéluctable si rien ne change. La France dispose encore de quelques mois pour redresser la barre, mais le temps joue contre elle.
L'instabilité politique chronique et l'absence de majorité claire à l'Assemblée nationale constituent aujourd'hui les principaux obstacles à un assainissement des finances publiques. Sans accord politique large sur un budget crédible et sur des réformes structurelles nécessaires, le pays risque de voir sa dette continuer à s'envoler et sa crédibilité internationale s'effriter. Les conséquences ne seraient pas seulement techniques ou financières : elles toucheraient directement les ménages et les entreprises à travers des coûts de crédit plus élevés et une croissance économique affaiblie.
La France conserve des atouts considérables : une économie diversifiée, un secteur bancaire solide, des institutions de qualité. Mais ces forces ne suffiront pas si le pays ne parvient pas à retrouver rapidement le chemin de la stabilité politique et de la rigueur budgétaire. Le rendez-vous avec Moody's dans quelques mois constituera un test décisif pour l'avenir économique et financier du pays.
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❓ FAQ - Questions Fréquentes
1. Que signifie le maintien de la note Aa3 avec perspective négative par Moody’s ?
Moody’s a confirmé la note souveraine de la France à Aa3 (quatrième meilleur échelon de son échelle) le 25 octobre 2025, mais l’a assortie d’une perspective négative. Concrètement, cela veut dire que la note est maintenue pour l’instant, mais qu’une dégradation est jugée probable dans les prochains mois si la situation ne s’améliore pas. L’agence pointe surtout l’instabilité politique persistante depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la difficulté à voter un budget crédible et à mener des réformes structurelles, ainsi que la détérioration des indicateurs budgétaires (déficit élevé, dette en hausse, charge d’intérêts croissante). Ce « sursis » ne doit donc pas faire illusion : Moody’s réévaluera la situation prochainement et attend des signaux tangibles d’orthodoxie budgétaire et de stabilité politique pour éviter une dégradation.
2. Qu’est-ce qu’une note souveraine et pourquoi est-elle importante ?
Une note souveraine évalue la capacité et la volonté d’un État à honorer sa dette. Elle influence directement le coût auquel un pays peut emprunter sur les marchés : plus la note est élevée, plus les investisseurs prêtent à des taux bas ; plus elle se dégrade, plus ils exigent une « prime de risque » élevée. Dans le cas français, même sans dégradation formelle par Moody’s, les marchés demandent déjà un surcoût, traitant la dette comme si elle valait A ou A- (deux à trois crans sous Aa3). Cette perception se traduit par un écart de taux plus important avec l’Allemagne et se répercute ensuite sur l’économie réelle via des coûts de financement plus élevés pour les banques, les ménages et les entreprises.
3. En quoi la décision de Moody’s diffère-t-elle de celles de Fitch et S&P Global ?
Fitch et S&P Global ont abaissé la note de la France à A+ les 12 septembre et 17 octobre 2025. Moody’s, de son côté, a adopté une approche plus prudente en maintenant la note à Aa3, mais avec une perspective négative. Le message de fond reste toutefois similaire selon l’article : la France doit retrouver une trajectoire de rigueur budgétaire et lever les blocages politiques. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, souligne d’ailleurs que toutes les agences s’alarment désormais de l’instabilité politique et du sérieux problème budgétaire français.
4. Pourquoi l’instabilité politique pèse-t-elle autant sur la note de la France ?
Moody’s met l’accent sur la fragmentation du paysage politique et l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale, qui compliquent l’adoption du budget et de réformes structurelles d’envergure. Cette paralysie institutionnelle limite la capacité du gouvernement à traiter un déficit élevé, une dette en hausse et des coûts d’emprunt croissants. L’instabilité politique accroît l’incertitude, alimente la défiance des investisseurs et renchérit la prime de risque exigée pour prêter à la France, ce qui se reflète par un écart de taux plus large avec l’Allemagne. En résumé, sans fonctionnement fluide des institutions législatives, les ajustements budgétaires nécessaires peinent à voir le jour, ce qui fragilise la note.
5. Pourquoi la suspension de la réforme des retraites de 2023 inquiète-t-elle Moody’s ?
Moody’s considère la suspension de la réforme des retraites de 2023 comme un recul significatif des efforts d’assainissement budgétaire. L’agence avait indiqué dès avril qu’un retour en arrière sur cette réforme serait un critère de dégradation. Même si le coût immédiat est modéré, une suspension prolongée pourrait peser lourdement à moyen et long termes : elle aggraverait les défis budgétaires et réduirait le potentiel de croissance en diminuant l’offre de travail. Obtenue par le Parti socialiste après de longues négociations, cette suspension envoie, selon l’agence, un signal négatif sur la capacité du pays à mener des réformes structurelles durables.
6. Où en sont le déficit et la dette publics français, et pourquoi est-ce préoccupant ?
La France affiche le déficit public le plus élevé de la zone euro. Le gouvernement vise 5,4% du PIB en 2025 (environ 160 milliards d’euros), puis 4,7% en 2026 (environ 144 milliards), avec l’objectif de revenir sous 3% en 2029. La dette atteindrait 115,9% du PIB fin 2025 (près de 3 500 milliards d’euros), avec un pic anticipé à 118,7% fin 2027 avant une lente décrue. En pourcentage du PIB, la France se situe derrière la Grèce et l’Italie, mais elle détient la dette la plus lourde en masse dans la zone euro. Beaucoup d’observateurs doutent de la réalisation des objectifs dans le contexte politique actuel, ce qui nourrit la vigilance des agences et des marchés.
7. Pourquoi la charge d’intérêts de la dette explose-t-elle ?
La charge d’intérêts a bondi de 60 à 65 milliards d’euros en un an. Elle est attendue à 74 milliards en 2026 et proche de 100 milliards en 2028. Deux facteurs se cumulent : le stock de dette à refinancer augmente et les taux d’intérêt exigés par les marchés sont plus élevés. Les investisseurs demandent en effet une prime de risque accrue face aux inquiétudes sur la trajectoire budgétaire et la capacité à stabiliser la dette. Cette dynamique crée un cercle défavorable : plus les taux montent, plus le service de la dette pèse sur les finances publiques, compliquant le redressement budgétaire.
8. Comment les marchés ont-ils réagi à la décision de Moody’s ?
Il n’y a pas eu de choc de marché, car les investisseurs avaient déjà intégré la détérioration des finances publiques françaises. Selon un économiste de marché cité, la dette française se traite comme si elle était notée A ou A-, soit deux à trois crans sous Aa3. Cela signifie que la France paie déjà un surcoût sur ses emprunts, comme en cas de dégradation. L’écart de taux entre obligations françaises et allemandes s’est creusé, reflétant une défiance accrue. En bref, la décision de Moody’s confirme un diagnostic que les marchés avaient anticipé, plutôt qu’elle ne le révèle.
9. Quels impacts pour les ménages et les entreprises ?
Le renchérissement du financement de l’État se transmet à l’économie réelle. Les banques, qui se refinancent en partie sur les marchés obligataires, voient leurs coûts augmenter et répercutent cette hausse sur les taux des crédits. Conséquence : conditions de crédit moins favorables pour les ménages (notamment pour les prêts immobiliers) et coûts de financement plus élevés pour les entreprises. Cela peut freiner les projets d’investissement et de modernisation, peser sur la consommation et ralentir l’activité. À cela s’ajoute un effet confiance : la perception dégradée de la France peut inciter investisseurs étrangers et entreprises à différer leurs décisions, ce qui entretient un climat d’incertitude et une croissance inférieure au potentiel.
10. La France risque-t-elle un défaut de paiement ?
L’article relaie une analyse relativement rassurante de Samy Chaar (Lombard Odier) : malgré l’instabilité politique, l’économie résiste, le marché de l’emploi et l’activité tiennent, et la croissance, bien que modeste, reste positive (0,7% en 2025 et 1% en 2026). Surtout, un pays fait rarement défaut lorsque son compte courant est proche de 0% du PIB, ce qui est le cas de la France. Selon cette lecture, la soutenabilité de la dette n’est pas en danger immédiat et les soubresauts politiques ne devraient pas se transformer en crise financière majeure.
11. Qu’est-ce que l’« effet domino » d’une éventuelle dégradation ?
Si Moody’s dégradait à son tour la note française, les trois grandes agences auraient toutes abaissé la France. Un tel alignement enverrait un signal très négatif aux investisseurs internationaux. L’article souligne que cela pourrait provoquer une nouvelle hausse des taux d’intérêt sur la dette française, renchérir encore la charge d’intérêts et accélérer la détérioration des finances publiques. Le maintien à Aa3 offre un répit, mais la perspective négative indique que ce risque reste bien présent si aucun progrès budgétaire et politique n’est réalisé.
12. Quelles conditions sont nécessaires pour éviter une nouvelle dégradation ?
Selon l’article, trois leviers sont clés : 1) adopter un budget réaliste et ambitieux, traçant une trajectoire crédible de réduction du déficit ; 2) mettre en œuvre des réformes structurelles renforçant la compétitivité et réduisant les dépenses à long terme ; 3) rétablir une stabilité politique permettant aux institutions de fonctionner normalement. Cela suppose un compromis entre forces politiques pour dépasser les clivages au nom de l’intérêt national. Des avancées tangibles sur ces axes pourraient rassurer Moody’s et les marchés et stabiliser la situation.
13. Quel est l’enjeu du vote du budget 2026 et quelles sont les tensions politiques ?
La discussion du PLF 2026 s’est ouverte le 25 octobre dans un climat tendu, sans majorité stable. Le Parti socialiste, après avoir obtenu la suspension de la réforme des retraites, brandit une menace de censure s’il n’obtient pas une taxation accrue des plus riches. Le gouvernement réaffirme l’objectif de 5,4% de déficit en 2025 et la trajectoire vers moins de 3% en 2029. Céder aux demandes du PS pourrait affaiblir la crédibilité budgétaire, refuser pourrait déclencher une censure. Un budget voté d’ici le 31 décembre rassurerait Moody’s et pourrait retarder une dégradation ; des blocages prolongés mettraient en péril le « double A » et la crédibilité internationale.
14. Quelles perspectives économiques à court terme l’article mentionne-t-il ?
Certains analystes, comme Samy Chaar, restent prudemment optimistes : malgré l’instabilité, l’économie française tient, sans signe de crise majeure. La croissance attendue est de 0,7% en 2025 et 1% en 2026. Parallèlement, la confiance des acteurs s’érode, les enquêtes de conjoncture se détériorent et l’incertitude politique pèse sur l’activité. L’article conclut que le « rendez-vous » avec Moody’s dans quelques mois sera décisif : un accord politique solide et un budget crédible pourraient stabiliser la situation, tandis que la poursuite des blocages rapprocherait la France d’une dégradation et d’une nouvelle hausse des coûts de financement.
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❓ FAQ - Questions Fréquentes
1. Qu’est-ce que la note Aa3 de Moody’s et que signifie une « perspective négative » ?
Moody’s maintient la note souveraine de la France à Aa3, le quatrième meilleur niveau de son échelle. Cela indique que, malgré des faiblesses, le pays conserve encore des atouts importants (économie riche et diversifiée, secteur bancaire robuste, institutions compétentes). En revanche, l’agence a associé à cette note une « perspective négative ». Ce signal d’alerte signifie qu’une dégradation est probable dans les prochains mois si la situation ne s’améliore pas, notamment sur le plan budgétaire et politique. Autrement dit, la France bénéficie d’un sursis, mais Moody’s prévient qu’elle réévaluera la note à court terme et pourrait l’abaisser si les blocages actuels persistent, si le déficit ne se réduit pas comme annoncé ou si aucune réforme structurelle crédible n’est adoptée.
2. En quoi la décision de Moody’s diffère-t-elle de celles de Fitch et S&P, et quel est le message commun ?
Contrairement à Fitch et S&P Global, qui ont abaissé la note de la France à A+ (les 12 septembre et 17 octobre), Moody’s a choisi de maintenir Aa3 mais avec une perspective négative. La différence tient donc au maintien de la note, pas au diagnostic. Le message commun reste clair : il faut rétablir la discipline budgétaire et sortir des blocages politiques. François Villeroy de Galhau souligne que toutes les agences s’alarment désormais à la fois de l’instabilité politique et du sérieux problème budgétaire français. En pratique, les marchés traitent déjà la dette française comme si elle était notée A ou A- (deux à trois crans sous Aa3), ce qui se traduit par un surcoût d’emprunt.
3. Pourquoi l’instabilité politique pèse-t-elle autant sur la note de la France ?
Moody’s pointe la fragmentation du paysage politique et l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale. Cette configuration complique l’adoption du budget et de réformes structurelles d’envergure. Cette paralysie institutionnelle limite la capacité du gouvernement à s’attaquer efficacement aux défis majeurs : déficit élevé, dette en hausse et coûts d’emprunt croissants. En résumé, l’enjeu n’est pas l’absence d’atouts économiques de la France, mais le risque que l’instabilité empêche la mise en œuvre de politiques crédibles et durables pour assainir les finances publiques, ce qui alimente l’inquiétude des agences et des investisseurs.
4. Quel impact a la suspension de la réforme des retraites de 2023 dans l’évaluation de Moody’s ?
Moody’s avait prévenu dès avril qu’un retour en arrière sur la réforme des retraites constituerait un critère de dégradation. La suspension décidée en 2023, arrachée par le Parti socialiste, est donc interprétée comme un recul significatif dans l’assainissement des finances publiques. Son coût budgétaire est jugé modéré à court terme, mais potentiellement important à moyen-long terme. Prolongée au-delà de quelques années, elle risquerait d’accentuer les tensions budgétaires et d’affaiblir le potentiel de croissance en réduisant l’offre de travail disponible. Pour Moody’s, ce signal confirme les difficultés à mener des réformes structurelles pourtant nécessaires.
5. Quel est l’état des déficits et de la dette, et quels objectifs sont affichés ?
La France affiche le déficit public le plus élevé de la zone euro. Le gouvernement prévoit 5,4% du PIB en 2025 (environ 160 Md€) et 4,7% en 2026 (environ 144 Md€), avec un objectif de retour sous 3% en 2029, que peu d’observateurs jugent crédible dans le contexte actuel. Côté dette, elle atteindrait 115,9% du PIB fin 2025 (+2,7 points en un an), soit près de 3 500 Md€ en valeur, la plus élevée de la zone euro en masse et la troisième en pourcentage, derrière la Grèce et l’Italie. Bercy espère un pic à 118,7% fin 2027 avant une lente décrue.
6. Qu’est-ce que la charge d’intérêts de la dette et pourquoi augmente-t-elle si vite ?
La charge d’intérêts correspond aux sommes que l’État verse chaque année pour rémunérer ses créanciers. Elle est passée d’environ 60 à 65 Md€ en un an, avec 74 Md€ anticipés en 2026 et près de 100 Md€ évoqués pour 2028. Deux facteurs se cumulent : un stock de dette plus important à refinancer et des taux d’intérêt plus élevés exigés par les marchés. Les investisseurs réclament désormais une prime de risque accrue pour prêter à la France, reflétant leurs doutes sur la capacité à rétablir durablement les finances publiques, ce qui renchérit mécaniquement le coût du service de la dette.
7. Comment les marchés ont-ils réagi à l’annonce de Moody’s ?
Il n’y a pas eu de choc, car les investisseurs avaient déjà intégré la dégradation des fondamentaux français. Selon Paul Chollet (Crédit Mutuel Arkéa), la dette française se traite comme si elle était notée A ou A-, soit deux à trois crans sous Aa3. L’écart de taux entre obligations françaises et allemandes s’est creusé, signe d’une défiance accrue et d’un surcoût de financement pour la France. En clair, le maintien de la note par Moody’s n’efface pas le fait que les marchés « pricent » déjà une qualité de crédit plus faible, avec des conséquences sur les conditions d’emprunt.
8. La France risque-t-elle un défaut de paiement selon l’article ?
Certains analystes, comme Samy Chaar (Lombard Odier), restent prudemment optimistes. L’économie française résiste pour l’instant à l’instabilité politique, sans signes de crise majeure : activité des entreprises et emploi demeurent dynamiques, et la croissance, modeste, reste positive (0,7% en 2025, 1% en 2026). La soutenabilité de la dette n’apparaît pas menacée à court terme et un défaut est jugé peu probable, la France ayant un compte courant proche de 0% du PIB. Les marchés sont habitués aux soubresauts politiques et fiscaux français, ce qui limite le risque que l’instabilité se transforme en crise financière majeure.
9. Quelles conséquences concrètes pour les ménages et les entreprises ?
La dégradation progressive de la perception du risque et la hausse du coût de financement de l’État renchérissent le refinancement des banques, qui répercutent cette hausse sur les taux proposés. Résultat : conditions de crédit moins favorables pour les ménages (prêts immobiliers, travaux) et hausse du coût des financements pour les entreprises, pouvant freiner leurs projets d’investissement et de modernisation. Au-delà des taux, la confiance s’érode : investisseurs étrangers plus hésitants, décisions d’investissement repoussées, indicateurs de moral en repli. Ce climat d’incertitude pèse sur la consommation et l’investissement productif, deux moteurs clés de la croissance.
10. Que se joue autour du vote du budget 2026 ?
La discussion du budget 2026 s’ouvre dans un contexte de majorité introuvable et d’exigences contradictoires. Le Parti socialiste, après la suspension des retraites, brandit la menace de censure s’il n’obtient pas plus de taxation des plus riches. Le gouvernement est face à un dilemme : céder affaiblirait la crédibilité budgétaire, refuser pourrait déclencher une crise politique. Roland Lescure insiste sur la nécessité d’un compromis budgétaire collectif. Un budget voté d’ici le 31 décembre pourrait rassurer Moody’s et retarder une dégradation ; l’absence d’accord nourrirait l’« effet domino » des agences et affaiblirait davantage la crédibilité internationale.
11. Qu’entend-on par « effet domino » des dégradations ?
Si Moody’s dégradait la France après Fitch et S&P, les trois grandes agences enverraient un signal concordant très négatif aux investisseurs internationaux. Ce cumul pourrait entraîner une nouvelle hausse des taux d’intérêt exigés sur la dette française, aggravant la charge d’intérêts et accélérant la détérioration des finances publiques. Le maintien actuel du Aa3 offre un répit, mais la perspective négative implique une réévaluation dans les prochains mois. Sans adoption d’un budget crédible et sans réformes structurelles, la dégradation deviendrait difficile à éviter.
12. Quelles conditions sont nécessaires pour stabiliser la situation selon l’article ?
Trois leviers sont mis en avant. D’abord, adopter un budget réaliste et ambitieux traçant une trajectoire claire de réduction du déficit, avec l’objectif de revenir sous 3% du PIB (seuil présenté comme nécessaire pour stabiliser la dette). Ensuite, engager des réformes structurelles pour améliorer la compétitivité et maîtriser les dépenses à long terme. Enfin, restaurer une stabilité politique permettant aux institutions de fonctionner et de voter les textes. Tout cela requiert un compromis entre forces politiques, faute de quoi l’instabilité pourrait prolonger la crise de confiance, renchérir le crédit et peser durablement sur la croissance.